La saison prochaine, en Ligue 2, le RC Lens croisera la route de l’AS Béziers, promu de National 1. L’un des principaux architectes de l’ascension du club biterrois n’est autre qu’Alessandro Furtado, ancien milieu brésilien formé au RC Lens mais aussi résident lensois ! S’il n’a pas pu percer dans le monde professionnel en tant que joueur, il revient par la grande porte avec la casquette de conseiller du président Gérard Rocquet. Une dénomination qui cache un large domaine de compétences. Il a accordé de son temps à Lensois.com malgré un emploi du temps très chargé pour revenir sur un parcours pas comme les autres.

Lensois.com : Alessandro Furtado, la montée en Ligue 2 de Béziers est aussi votre réussite. Comment vivez-vous ces moments ?
Il y a beaucoup de joie. Cela fait 3 années que nous avons commencé ensemble. Je suis arrivé après la montée de CFA en National. Puis il y a eu une dernière saison au terme de laquelle nous n’étions déjà pas passés loin de l’accession à la Ligue 2. Le travail portait quand même ses fruits. Cette année, nous avons effectué une première partie de saison plutôt mitigée, mais ensuite, nous avons fini fort. La dernière journée s’est déroulée en notre faveur puisque nous l’avons emporté 4-1 chez nous contre Les Herbiers. Il nous fallait aussi cette défaite de Grenoble qui est survenue sur son terrain contre Sannois-Saint-Gratien. Cela s’est bien passé et c’est magnifique, extraordinaire car je sais d’où je viens, c’est-à-dire de très loin !

Effectivement, vous officiez en tant que conseiller du président Gérard Rocquet après une carrière de joueur qui ne vous a pas permis de durer dans le professionnalisme puis une expérience dans le monde des agents. Quel est votre champ d’action ?
J’ai un président qui m’a fait confiance. Nous travaillons main dans la main, avec l’entraîneur Mathieu Chabert aussi. Cela correspond à ce que je recherchais, à ma façon de vivre. C’est vraiment très famille. C’est peut-être aussi pour ça que nous faisons la différence par rapport à d’autres clubs. Mais nous n’avons même pas le temps de profiter car dès le lendemain de la montée, il a fallu se mettre au travail sur divers dossiers ! J’ai un président très carré, qui a créé le club à partir d’une fusion en 2007. C’est quelqu’un qui gère très bien son club. Il m’a donné les clés. Je suis allé chercher des joueurs revanchards, qui pouvaient jouer en National 2 ou même National 3. C’était un pari risqué car nous étions l’un des plus petits budgets de National, mais ils sont venus pour le projet. Ils m’ont fait confiance ainsi qu’au club. Je fais le manager général, le conseiller, le directeur sportif, recruteur, un peu tout ! Je cible, je trie ce qui est bon ou non mais c’est le président qui a le dernier mot. Aujourd’hui, je suis persuadé que mon groupe a les moyens de faire quelque chose en Ligue 2, car il y a une marge de progression. Je recrute beaucoup par rapport à cet aspect.

« Le RC Lens, 13 années durant lesquelles j’ai appris à devenir un homme »

Que vous reste-t-il de vos années au RC Lens ?
J’ai vécu ces 3 dernières années avec Béziers en habitant toujours à Lens. J’habite donc à 1 000 kilomètres du club ! Mais maintenant avec la Ligue 2 cela va changer. Je suis arrivé à Lens en 1998. Je me suis entraîné avec les professionnels à l’époque de François Brisson (1999-2000) et Rolland Courbis (2000-2001). Je pense à Colbert Marlot, qui entraînait la réserve ou Georges Tournay, avec qui j’étais tout le temps en conflit, mais c’était pour mon bien. J’ai grandi à Lens, j’ai appris de ces gens. Ils m’ont relancé car j’ai eu une période difficile après une opération, jusqu’à ce que Joël Muller me donne ma chance avec un contrat professionnel. Je l’en remercie vraiment. Avec l’arrivée de Francis Gillot, ce fut plus difficile car il ne comptait pas du tout sur moi. Après, ce sont les aléas du football. Revenir à Lens avec Béziers en tant que manager général, c’est énorme. Surtout que je suis jeune, car j’ai 35 ans. J’ai tout à prouver, même si j’ai déjà fait des choses. J’ai reçu des messages de gens de Lens qui m’ont félicité, même de Vitorino Hilton. J’ai passé toute mon adolescence dans ce club. Pendant 13 années, j’ai appris à y devenir un homme. J’ai connu l’ancien centre de formation de l’avenue Van Pelt avant la Gaillette, devant le commissariat. C’était tellement plus petit que quand l’un tombait malade, tout le monde l’était ! Je vivais là de juin à juin, je ne voyais mes parents qu’une fois par an. Mon seul regret est de ne pas avoir eu l’opportunité de prouver car j’attendais ça tous les matins et je donnais tout. Je pense que personne au club ne pourra me reprocher un seul moment d’absence dans l’application. Même quand je descendais en réserve, je donnais tout. C’est mon côté brésilien car on aime avant tout le football. Ça me fait mal au cœur de voir le club dans cet été là. Avec ce public, on ne peut pas rentrer sur le terrain sans tout donner. J’ai hâte de retrouver Bollaert pour ça ! Il n’y en a pas beaucoup en France des comme ça. Le RC Lens est mythique. J’y ai gardé des amis. Là bas, j’ai connu Tony Vairelles, Papa Bouba Diop, Cyril Rool…A l’époque, il y avait une âme. J’espère que la saison sera meilleure, qu’ils vont rebondir, mais pas contre nous !

Vivez-vous cette réussite avec Béziers comme une revanche après ce parcours de joueur ?
Non, ce n’est pas vraiment pas une revanche. Mais je vivais à Rio de Janeiro en bord de mer. J’ai quitté mes parents et ce contexte à 14 ans pour arriver à Nantes avant Lens. C’était donc vraiment pour réussir. Mais le football fait qu’il y a parfois des obstacles. Ça passe ou ça casse. J’attendais ma chance, j’étais prêt. Même une dizaine de minutes, c’était tout ce que j’attendais. J’ai eu des moments difficiles, je ne m’en cache pas. Puis j’ai côtoyé le monde amateur car le football m’a fatigué. Je me suis d’abord reconverti en tant qu’agent, sans l’être officiellement mais Evandro Ferreira, un gros agent brésilien qui s’occupe de Vagner Love, m’a tendu la main pour que je puisse entrer dans le milieu. Néanmoins, je m’y suis senti un peu à l’étroit. Mon but était d’entrer dans un club. Je connaissais bien le président de Béziers, car j’avais joué avec leur CFA 2. Il m’a appelé et m’a dit que si je faisais mes preuves, cela durerait. Je suis content pour ma famille. Elle sait que j’ai eu des moments difficiles et m’a toujours soutenu. Mais j’ai toujours su où je voulais aller. Je n’abandonne jamais, je suis un combattant. Dans ma tête, je me focalise sur quelque chose et j’essaye d’atteindre mon objectif sans avoir de regret. Je ne regrette rien de ce que j’ai fait.

Propos recueillis par Christophe Schaad