En fin d’année, une trentaine de groupes ultras français, dont les Tigers, North Devils et le KSO, supporters du RC Lens, se sont rassemblés sous le slogan « Supporters, pas criminels » et ont manifesté à l’occasion de 2 journées de championnat. Très souvent, ils manifestent leur désaccord face à des méthodes jugées répressives (déplacements interdits ou très encadrés, usage des fumigènes,etc.)

Luxembourgeois et ancien membre du Commando Ultra à Marseille, Sébastien Louis a mené une enquête, allant également en Italie, en Grèce ou encore en Algérie. Il a publié un livre intitulé « Ultras, les autres protagonistes du football », aux éditions Mare et Martin. Il délivre son regard sur le phénomène :

« Une des hypothèses que je développe dans le livre est que l’on se sert des stades comme des laboratoires. On y emploie des politiques très répressives avec l’aval de l’opinion publique et d’une presse complaisante qui considère les ultras comme des gens violents et dangereux. Alors que la plupart du temps, ces politiques sont à la limite de l’anti-constitutionnalité. La banderole «?Supporters, pas criminels?» , ce mouvement organisé fin novembre par une trentaine de groupes d’ultras français, a été interdit dans plusieurs stades. C’est assez grave, cela illustre des entraves à la liberté d’expression. À propos de la loi française qui renforce le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme adoptée en avril 2016, autorisant les clubs à ficher leurs propres supporters, la CNIL a parlé de «?dérive liberticide?» . En Italie, certains blindés utilisés en Afghanistan ou en Irak sont parfois aux abords du stade et ne contribuent pas à faire que les gens s’y sentent en sécurité. Un député italien du parti de Berlusconi avait proposé, à la suite de débordements lors de manifestations étudiantes, d’instaurer une «? carte du manifestant?» qui ressemble beaucoup à la «?tessera del tifoso?» obligatoire pour les supporters italiens entre 2010 et 2017 pour acheter un abonnement ou se déplacer. Certains maires italiens se servent par ailleurs du dispositif d’interdiction de stade pour interdire à certaines personnes l’accès à des lieux publics pour des manifestations particulières. Le stade est devenu un laboratoire des politiques répressives. »

Il ajoute : « Il y a beaucoup de contradictions dans les postures des supporters, qui sont des romantiques qui ne sont pas réalistes. Ils veulent que leur club soit possédé par quelqu’un qui aime les couleurs et qu’il n’utilise pas le club. Mais la plupart du temps, les clubs de football sont au service de différents intérêts commerciaux, politiques ou géopolitiques. De l’autre côté, certains clubs ont bien compris l’intérêt qu’ils ont à avoir des ultras ou des groupes de supporters organisés. On ne va pas au stade pour voir un match, on y va pour une expérience, y compris dans les tribunes latérales. Cela s’est vérifié pour le dernier OM-PSG quand les dirigeants phocéens ont demandé aux groupes de faire un spectacle et ces derniers ont refusé pour marquer leur indépendance. Tout le monde sait qu’en Angleterre, il n’y a pas d’ambiance dans les tribunes. Il y a donc une ambivalence complexe : les clubs veulent des groupes ultras, mais cherchent à les contrôler. »

(Source : So Foot)